Depuis près de deux siècles, des savants de diverses nationalités tentent de réunir l’ensemble des inscriptions grecques et latines connues. Les projets qui ont vu le jour privilégient généralement l’une ou l’autre des deux langues principales de l’Empire romain. Devant la multiplication des découvertes (on connaît actuellement plus d’un million de textes latins), on a eu souvent recours à l’élaboration de corpus régionaux, plus faciles à mener à bien. Dans ce contexte, le Proche-Orient a longtemps eu une place secondaire, car il était considéré comme une marge du monde classique, à la différence de l’Italie, de la Grèce ou de la côte occidentale de l’Asie Mineure. Ce n’est que très progressivement, grâce à des voyageurs et à des érudits, que l’on prit conscience de l’importance de l’Orient hellénisé, qui avait pourtant donné au monde hellénistique, puis à l’Empire romain, de grands noms de l’art ou de la littérature, avec le philosophe Poséidonios d’Apamée, le poète Méléagre de Gadara, l’architecte Apollodore de Damas et l’écrivain Lucien de Samosate, mais aussi des généraux et des empereurs, dont les membres de la dynastie de Septime Sévère ou encore Philippe l’Arabe.
Après les premières explorations des pionniers tels les voyageurs britanniques Henry Maundrell (1665-1701) et Alexander Drummond (mort en 1769), l’Allemand Ulrich Jasper Seetzen (1767-1811), le Suisse Johann Ludwig Burckhardt (1784-1817) ou l’Anglais William John Bankes (1786-1855) vinrent les entreprises plus ambitieuses des savants français Ernest Renan (1823-1892) et William Henry Waddington (1826-1894). Ces travaux furent bientôt complétés par une importante série de missions conduites en Syrie du Sud et dans l’actuelle Jordanie par Rudolf Ernst Brünnow et Alfred von Domaszewski (1897-1898) et par René Dussaud et Frédéric Macler (1899, 1901), dans l’ensemble de la région par l’Université de Princeton (1899-1900, 1904-1905, 1909), à Doura-Europos par l’Académie des inscriptions et belles lettres et l’Université de Yale (1922-1923, 1928-1936) ou encore à Palmyre à l’instigation d’Henri Seyrig (1895-1973), dans le cadre des activités du Service des Antiquités commun au Liban et à la Syrie, à l’époque mandataire (1920-1946), puis sous les auspices de la Direction Générale des Antiquités de Syrie, en collaboration avec l’Institut français d’archéologie de Beyrouth (après 1946).
Le programme des Inscriptions grecques et latines de la Syrie (IGLS) vise à systématiser et à pérenniser ces entreprises fondatrices. Sa genèse remonte à l’annonce faite au Congrès archéologique d’Athènes, en 1905, par Louis Jalabert (1877-1943), père jésuite de la Faculté orientale de Beyrouth, devenue l’Université Saint-Joseph. Il s’agissait de refondre l’ouvrage fondamental de William Henry Waddington, Inscriptions grecques et latines de la Syrie (1870), qui rassemblait tous les textes connus de son temps. Le premier volume parut en 1929 et les recherches se poursuivirent dans les années suivantes. Parfois vieillis, les cinq premiers volumes, achevés par les soins du P. René Mouterde (1880-1961) avec des collaborateurs jésuites, sont en cours de refonte partielle.
Depuis les années 1960, les tomes parus répondent aux critères modernes des publications épigraphiques (texte, apparat critique, traduction, photographies et fac-similés, index). Les tomes à paraître compléteront la série qui englobe désormais non seulement les territoires de la République arabe syrienne et de la République libanaise, mais aussi celui du Royaume hachémite de Jordanie, pour lequel la sous-série spécifique des Inscriptions de la Jordanie (I. Jordanie = IGLS 21) a été créée dans les années 1970 à l’initiative de Jean Pouilloux, professeur à l’Université de Lyon, Adnan Hadidi, Directeur du Department of Antiquities, et Fawzi Zayadine, au Department of Antiquities. Le programme des IGLS prépare ainsi l’établissement du corpus des inscriptions grecques et latines de la Syrie au sens antique de ce toponyme, selon le souhait du P. Jalabert. Depuis peu, il contribue aussi à la mise en valeur du patrimoine épigraphique et monumental de la région par la préparation de catalogues épigraphiques des musées nationaux et régionaux. Établi en étroite collaboration avec les Directions des Antiquités des trois pays concernés (Jordanie, Liban, Syrie), il est confié au laboratoire Hisoma et à l’Université Lumière Lyon 2. Sa direction est assurée par le directeur en titre d’Hisoma. À cette entreprise fédérative participent des chercheurs de plusieurs universités et laboratoires de recherche, dont l’Institut français du Proche-Orient (Ifpo), qui publie depuis l’origine les volumes des IGLS dans la Bibliothèque archéologique et historique (BAH).